Jusqu'au 12 juillet l'exposition "A corps d'histoires" est présentée à la galerie Claire Corcia, au 323 rue Saint Martin à Paris 3e
2 séries de travaux sur papier y sont présentés," les souffles" et "paradis perdus", toutes deux font partie d'un grand ensemble que je nomme mes "feuilles de route"
Ce travail comporte plusieurs ensembles de réalisations.
Il a commencé lors d’un séjour au Togo en 2019, où au cours d’une randonnée dans la brousse on m’a montré les propriétés tinctoriales de la jeune feuille de teck, j’avais un carnet à dessin avec moi, j’en ai pris l’empreinte en utilisant sa sève.
De ma formation d'ingénieure agronome, j'ai gardé la passion des espèces végétales et ai toujours admiré les lignes qui les composent souvent d’une façon assez mathématique, symétrie, fractales… C’est aussi cette beauté que j’ai voulu saisir en prenant leurs empreintes au gré de mes vagabondages ou de ceux de mes amis qui m’en rapportent de leurs séjours lointains.
« Les souffles »
Dans cette série, j’ai beaucoup utilisé les inflorescences de cotinus à cause de leur légèreté et de leur côté extrêmement graphique. J’ai également été fortement influencé par les réflexions du poète et essayiste martiniquais Monchoachi. Selon lui le monde occidental en ayant désacralisé la nature, l’a considéré avant tout comme une ressource. « La menace sur les grands équilibres naturels était imparable dès lors que le modèle occidental se présente comme un mouvement de rupture avec la nature, orienté vers l’agression de celle-ci…. Comme rupture aussi avec les sagesses antiques d’où qu’elles viennent »
A l’opposé de nombreux autres peuples ont maintenu un lien sacré avec la nature à travers leurs spiritualités. Dans le livre « La foret et les dieux », Lydia Cabrera explique que « C’est par les arbres, les plantes, les feuilles, les graines, que les hommes commercent avec les esprits et les dieux. La végétation est le locus où se fait l’échange de forces et de signes entre deux mondes »
Ce sont ces liens, cette spiritualité entre hommes et nature que j’ai tenté de retranscrire dans ce travail.
« Les paradis perdus »
La découverte du film documentaire « Moana » de Robert Flaherty, sorti en 1926 a été un choc esthétique et son propos rejoint les réflexions précédentes, il est à l’origine de cette série où les empreintes de feuilles ont occupé plus d’espace sur la feuille, l’ont saturé, les personnages représentés en sont même tatoués. Ce qui correspond aussi au sentiment que l’on ressent dans une forêt tropicale où la végétation vous enveloppe totalement, les plantes elles-mêmes sont d’une taille différente de celles des régions tempérées. Claude Levy Strauss disait en arrivant au Brésil : « Des plantes plus copieuses que celles d’Europe dressent des tiges et des feuilles qui semblent découpées dans le métal, tant leur port est assuré et tant leur forme pleine de sens parait à l’abri des épreuves du temps. Vu du dehors, cette nature est d’un autre ordre que la nôtre, elle manifeste un degré supérieur de présence et de permanence » (in Tristes tropiques)
Quelques dessins de cette série ont été réalisés soit en Afrique soit avec des feuilles en provenance d’Haïti.
Ci joint le bel article du critique d'art et philosophe Philippe Godin qui inscrit ce travail dans un champ de vision plus large:
https://blogs.mediapart.fr/philippe-godin/blog/230624/haude-bernabe-lart-de-retarder-la-fin-du-monde (https://blogs.mediapart.fr/philippe-godin/blog/230624/haude-bernabe-lart-de-retarder-la-fin-du-monde)





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