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  • Photo du rédacteurhaudebernabé

L'âme de la rouille


Un beau texte d' Alexis Jenni sur la rouille qui m'a beaucoup touché. Je vis avec la rouille, elle est là partout dans l'atelier, parfois trop envahissante, sa poussière s'infiltre partout, dans tous les recoins, vient se déposer sur ma peau ou dans mes cheveux. Mais comment ne pas voir ses subtilités sur le fer encore brut, les petits dessins qu'elle y trace parfois, autant d'invitations à prendre la pièce et commencer à la travailler

"Il faudrait trente mots pour dire la rouille, mais ils n'existent pas, il faudrait les créer et surtout les employer, alors on apprivoiserait l'oxydation du fer et on lui trouverait de la beauté, du confort, on la trouverait accueillante et vivante, cette rouille qui érode ce qui a été droit, ce qui était bien huilé au moment du travail, et qui maintenant, parce que ça ne bouge plus, par ce que ça ne sert plus à rien, se dissout au contact de l'air en prenant un aspect de velours, d'une belle couleur de feuilles mortes. Nous sommes dans dans le sous-bois d'automne de l'industrie finissante, ce que nous avons construit s'effondre, et de cette litière de rouille sortira notre avenir après l'hiver qui vient; du moins on l'espère. Mais pour cela faut-il encore aimer notre rouille, et si on disposait de ces trente mots qui la décrivent, toute la friche industrielle de Walenhammes deviendrait un salon ouaté, tendu de couleur chaude, d'un beau velours fauve où l'on viendrait s'asseoir, pour passer agréablement le temps, pour attendre."

Alexis Jenni, "La nuit de Walenhammes"

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